L’incertitude est forte au sein de la filière française des professionnels de la gestion des sous-produits organiques (assainissement, épandage, compostage et méthanisation des boues d’épuration et digestats, déchets végétaux, ménagers et biodéchets).
Actuellement, un décret en cours d’étude dit de « socle commun » relatif aux critères de qualité agronomique et d’innocuité pour les matières fertilisantes et les supports de culture (MFSC), remet en cause des pratiques établies depuis de nombreuses années dans la gestion des produits organiques et leur retour au sol. Celui-ci fait donc l’objet de nombreux commentaires de la part des associations professionnelles et techniques. Fin janvier, 19 structures représentant les collectivités et les professionnels des filières déchets, eau et énergie, et plus dernièrement, les agences de l’eau ont alerté les ministères de l’agriculture et de l’écologie de l’impact potentiel sur les filières de traitement des biodéchets ménagers et assimilés et boues d’assainissement notamment. Ont notamment été proposés par ces acteurs professionnels, collectivités et institutionnels : l’allongement du processus de consultation / validation et la réalisation une étude indépendante approfondie sur une évaluation technico-économique exhaustive de la valorisation des boues, effluents industriels et d’élevage ainsi qu’une analyse coûts/bénéfices des impacts directs et indirects d’un tel texte sur ceux-ci.
Les déchets organiques sont à la croisée d’enjeux à la fois énergétiques & climatiques, agricoles et environnementaux. Ils intègrent ainsi une équation complexe qui doit permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre, maintenir la qualité des eaux tout en évitant la dégradation de la qualité des sols qui manquent souvent de matières organiques et de nutriments.
Or, dans la suite du « pacte de confiance » sur l’organique et les dispositions réglementaires associées (loi AGEC & ordonnance en 2020), fin 2020, ce projet de texte réglementaire pour la mise en place d’un « socle commun d’innocuité » pour toutes les matières organiques épandus en agriculture a été diffusé pour avis par le Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Ce texte classe les sous-produits en 2 catégories : Produits ou Déchets. Les biodéchets et certaines matières organiques agricoles seraient éligibles au statut de produit (fertilisants). Les autres matières conservant le statut de déchets (via plan d’épandage).Parmi les principales mesures, le projet prévoit :
- le durcissement des seuils et flux ainsi que l’encadrement de nouveaux contaminants émergents
- l’enregistrement des pratiques de fertilisation par les agriculteurs pour toutes les matières fertilisantes organiques est conforté avec un objectif de suivi à la parcelle des flux de contaminants,
- les effluents d’élevage bruts, seraient également pris en compte dans le calcul des flux de contaminants à la parcelle sur la base d’une campagne nationale de caractérisation des ETM, par espèce et par type d’élevage.
- un intérêt agronomique minimal pourrait être requis, au deçà duquel certaines catégories de produits ne pourraient plus être recyclées en agriculture.
En l’état, celui-ci devant s’appliquer dès juillet 2021 pour certaines catégories de matières, il risque d’être préjudiciable à l’économie circulaire. Avec le texte proposé, d’importants flux de matières fertilisantes issues des activités précitées seraient détournées du retour au sol. Celles-ci devraient alors être orientées vers des filières d’enfouissement ou d’incinération, (pour l’instant, a priori pas en capacité d’assimiler tous les flux associés). D’autres part, les nutriments non-apportés par ces matières devront le cas échéant probablement être substitués par des amendements et engrais minéraux.
Ce scénario constitue une crainte forte des acteurs de la filière au regard de la hiérarchie de traitement des déchets, de la lutte contre l’appauvrissement des sols et la réduction des pollutions en général. Enfin, les filières industrielles associées aux activités de ces services publics auront beaucoup de difficultés à s’adapter au nouveau cadre dans les délais définis, notamment pour la filière assainissement.
Source : AMORCE, RISPO, Chambre Agriculture régionale des Hauts de France